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le château qui grince

5 décembre 2006

Vincent

Il n'y avait pas de solution. L'encre aurait pu couler à flots, cela n'aurait rien changé. Vincent avait la lenteur des arbres que le vent de novembre n'agite plus. Bien calé sur ses deux pieds, comme une cigogne ridicule, il observait la rue qui s'emplissait de nuit. Il y avait là la faune, la grossière faune des fins de novembre, précisemment.

La rue s'emplissait et se vidait tout à la fois, de foules de passants, du magasin à la rue, de la rue au magasin. C'était un éternel ballet de combattants, manteaux contre manteaux, chapeaux contre chapeaux. Les bras vides contre les bras chargés de paquets multicolores, l'immonde artifice des fêtes de fin d'année, quand le sourire crispé du 24 décembre remplace la grimace nerveuse du mois passé (mois passé à arpenter des allées acidulées de futurs présents, à deverser des sommes dans d'improbables sourires reconnaissants.)

Bref, Vincent se tenait là, campé à la devanture d'un quelconque magasin pour consommateurs en gros. Il avait finit par se balancer d'un pied sur l'autre, dans le mouvement imperceptible qu'on souvent les gens rêveurs. Il fumait une cigarette en examinant d'un oeil torve le va-et-vient précédemment décrit. Aussi, il se chantait une oraison funèbre et un sourire absent se dessina sur son visage. L'ironie un peu cruelle de son intellect le fit rire au-dedans, pourquoi cet air précisemment lui venait-il en tête quand il pensait à la bêtise colossale qu'est la naissance d'une année nouvelle? Il se redit qu'il n'y avait pas de solution, que l'encre avait beau couler à flot, l'absurdité humaine ne pourrait jamais être délimitée par ces barrières que sont les mots.

Avec une certaine présomption, il fit un premier pas puis un autre et ainsi de suite, jusqu'à l'endroit presque surnaturel où les passants de la rue étaient aspirés pour devenir des passants de super-marchés. Là, il prit la peine de marquer un léger temps d'arrêt, comme pour se démarquer de la multitude d'horloges qui faisaient grouiller les secondes, et après avoir jeter sa cigarette d'un geste lent et retenu, il pénétra dans l'univers merveilleux du magasin.

Sitôt passées les portes automatiques (dont il avait autrefois l'angoisse qu'elles se referment brusquement sur lui, broyant ses membres qui se seraient agités dans un élan déséspéré pour recouvrer leur liberté. Déséspéré et ridicule.) Sitôt ces portes franchies, donc, Vincent se retrouva propulsé dans un joyeux chantier en constant réaménagement. C'était ici des dames aux manteaux largement ouverts sur des chemisiers soyeux qui serraient des trains electriques entre leurs ongles maculés de peinture écarlate, c'était là des monsieurs tenant leurs imperméables à la main, révélant un pull usé et mou (un ventre mou) qui soupesaient tel ou tel sapin grincheux. C'était ailleurs encore les vendeurs tout de rouge et de vert vêtus qui glissaient dans les rayons, conseillant les éventuels acheteurs, tels des gnomes de Noël dénaturés. Dans cet éclatant tumulte, le chant d'une invocation à un vieux bonhomme en barbe blanche et traîneau d'argent saupoudré de neige artificielle donnait l'illusion d'un ricanement sourd et lointain et décadent.

Vincent se lassa porter par la foule, emporter par le mouvement des uns et des autres, apporté comme une écume par la vague qui roule toujours dans un sens puis dans l'autre. Ainsi il allait des jouets aux chocolats, des nappes et bougies aux arbres aux milles bras, des téléviseurs superpromotionés aux aspirateurs ultracommodités. Ses yeux voyaient tout et ne s'arrêtaient sur rien et ses bras se tendaient pour ne saisir qu'un ruban, une ficelle, et jamais l'objet réellement convoité. Soudain, il réalisa que d'une certaine façon, il était à son tour grisé par tant de couleurs, tant de lumières. Son esprit d'ordinaire si critique ne s'était-il pas mit en sourdine durant quelques minutes afin de laisser le laisser s'addoner à ces ordinaires contacts: corps, regards, cubes de cartons, aiguilles de pins, .. Le tout toujours un peu plus vide, lui sembla-t-il aussi.

Il décida de laisser la sourdine pour mieux ressentir l'évènement.

Et Vincent fait crisser ses semelles sur le sol bien ciré.

Et Vincent fait battre ses paupières sous les néons pâles.

Ici ou là, il repère le corps d'une femme qu'il voudra suivre des secondes plus tard, mais déjà la foule happe la silhouette et Vincent se tourne vers un nouveau but, qui disparaîtra de lui-même, par le même procédé merveilleux. Ainsi il suffit qu'un obstacle se présente entre moi et l'objet convoité, qu'une brûme s'élève, et l'envie disparaît. Je sais que le corps est là, derrière. Je peux traverser la foule, fendre la masse et presser mes mains l'une contre l'autre avant de les poser sur l'objet dissimulé, mais non. Telles sont les pensées qui tournoient doucement dans la tête de Vincent. Il se demande s'il peut les élargir, établir un parallèle entre ce simple constat et une généralité sur le sens, le chemin d'une vie. (Et c'est comme ça que la foule peut à son tour constater qu'un Vincent sourit doucement en marchant sans but réel à travers un magasin, le 30 novembre d'une année qui va bientôt mourir.)

 

 

 

 

 

 

 

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